Âge du Bronze

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Structures sociales

Une notion aussi abstraite qu’« organisation sociale » est difficile à appréhender par le seul biais de l’enquête archéologique. Néanmoins, l’examen des sites d’habitat ou funéraires permet d’en comprendre certaines composantes.

Entre 2500 et 2000 avant notre ère, la hausse du nombre de petits tumuli et certains objets prestigieux à l’intérieur des tombes traduisent une hiérarchisation de la société. Les traces de grandes enceintes entourant certains hameaux ainsi que celles des fossés et des haies délimitant certaines parcelles de terres cultivées montrent une accaparation croissante de l’espace. L’émergence d’un système de propriété « foncière » pourrait expliquer l’enrichissement des élites qui se seraient ainsi assuré la possession des ressources naturelles, comme on le suppose sur le site de Ploudaniel-Plouedern (Finistère), par exemple.

De 2000 à 1700 avant notre ère, la complexification sociale s’accélère fortement. Les archéologues constatent une augmentation du nombre d’enceintes ainsi que l’extension des systèmes de parcelles indiquant que les élites maîtrisent des territoires de plus en plus vastes. À Saint-Bélec (Finistère), une cartographie de parcellaires gravée sur la dalle en pierre d'une riche sépulture sous tumulus pourrait dénoter l'importance pour ces élites d'affirmer leur autorité sur un territoire, jusqu'après leur mort. Parallèlement, la coexistence de nouveaux tumulus volumineux abritant des caveaux dotés d’objets fastueux, comme la tombe de Giberville (Calvados), et de sépultures sans objet ou viatique souligne les écarts de richesse entre différentes strates de la société. À cette époque, la métallurgie du bronze nécessite d’acheminer le cuivre et l’étain entrant dans sa composition. Elle est contrôlée par des communautés organisées en chefferies de structure pyramidale qui s’implantent sur ces complexes réseaux d’échanges. 

Paradoxalement, l’accès de plus en plus facilité au bronze concourt vraisemblablement à la disparition de ces élites que les archéologues peinent encore à expliquer. En effet, une fois acquis, les objets en bronze, recyclables à l’infini grâce à la fonte, ne nécessitent pas ou peu de réapprovisionnement. Dès lors, les profits tirés des échanges économiques liés à ce matériau s’effondrent. À partir de 1700/1600 avant notre ère, la société redevient moins rigide. La multiplication des tumuli, notamment, indique la démocratisation des monuments funéraires individuels. De plus, l’apparition de fermes closes par des fossés traduit une privatisation des exploitations agricoles et des productions qui étaient auparavant accaparées par les élites. 

À partir de 1500 avant notre ère, les artisans développent des savoir-faire hautement techniques pour travailler le textile, la céramique, l’or (orfèvrerie) ou le bronze (dinanderie). L’augmentation des quantités consécutive à la spécialisation de l’artisanat permet une diffusion des surplus en dehors du cercle restreint de la chefferie. À partir de 1200 avant notre ère, après une période d’instabilité climatique et probablement économique, de nouvelles élites tirent profit de ces exportations comme en attestent les traces d’ateliers d’artisans fréquemment retrouvées aux abords des sites occupés par l’aristocratie.

À la fin de l’âge du Bronze, l’exploitation du fer, beaucoup plus présent dans les sols européens, provoque l’effondrement des réseaux économiques constitués depuis plus d’un millénaire. Jusque vers 700 avant notre ère, le modèle socio-économique de l’exploitation du fer, plus local, n’a peut-être pas de leader (organisation de type acéphale). 

Spiritualité et religions

Croyances et spiritualité à l’âge du Bronze sont des domaines en grande partie inaccessibles à l’approche archéologique. En effet, les indices de manifestations présumées d’ordre cultuel sont infiniment délicats à interpréter.

Au sein de certaines nécropoles, de grands enclos circulaires, de même que des enceintes rectangulaires entourées de fossés, évoquent parfois l’idée de sanctuaires bâtis en terre et en bois, comme à Oisy-le-Verger (Pas-de-Calais). À l’intérieur des tombes, divers objets, d’usage quotidien ou précieux, accompagnent les défunts : on peut y voir des viatiques pour l’au-delà (armements surnuméraires, par exemple) ou bien des vestiges de cérémonies funéraires (services à boisson, parfois restes de repas). 

Par ailleurs, les statues menhirs du sud de la France ou de Corse peuvent témoigner d’un culte d’ancêtres héroïsés ou, les deux n’étant pas incompatibles, de limites territoriales…
Les archéologues s’interrogent aussi sur certains dépôts d’objets en bronze (parfois entiers –haches, bracelets, épées- ou fragmentés), comme celui récemment découvert à Port-en-Bessin (Calvados), sur un site de hauteur. D’autres, parfois prestigieux, sont retrouvés dans des secteurs dépourvus d’habitat ou, nombreux, dans certaines zones humides (rivières, marais, sources ou tourbières). Ces dépôts, sont-ils des offrandes faites à une divinité des eaux, des cérémonies de type potlatch ou bien encore les bornages symboliques de territoires ? À cette époque, les chefs de communautés cumulent les pouvoirs politique, économique et spirituel. En enfouissant une masse d’objets métalliques précieux, ces derniers ont pu à la fois vouloir symboliser leur richesse, marquer les limites de leur communauté et faire un don sacrificiel aux dieux chtoniens.

Les chars miniatures, en bronze, or ou terre cuite, sont parfois envisagés comme une représentation symbolique de la course du Soleil dans le ciel comme à Trudholm (Danemark) où un char conduit par un cheval porte un disque de bronze recouvert d’une feuille d’or. D’autres objets, comme le disque de Nebra, des gravures comme celles du mont Bego (Alpes-Maritimes) ou des monuments, comme les célèbres mégalithes du site de Stonehenge (Grande-Bretagne) témoignent aussi d’observations célestes : s’agit-il d’indices en faveur de cultes astronomiques ou de simples calendriers agricoles ? 

Subsistance, économie, commerce

La subsistance des populations de l’âge du Bronze repose sur une économie vivrière dont les bases ont été largement posées durant le Néolithique. À la même période, bronze, or, argent, ambre et sel se mettent à circuler via de nouvelles routes maritimes et terrestres. 

Amorcée avant l’âge du Bronze, l’anthropisation du paysage s’intensifie. L’agriculture post-forestière, basée sur le défrichage, est progressivement remplacée par un système de jachère sur des parcelles désormais délimitées et rectilignes. L’utilisation d’attelages légers et d’outils agricoles comme l’araire, plus usité qu’auparavant, permet d’augmenter les rendements de céréales (blé, orge, millet) et de légumineuses (pois, lentilles et fèves pour l’essentiel) dont les surplus sont stockés dans des fosses faisant office de silos ou dans des greniers. La cueillette de fruits et de plantes sauvages (baies, pommes, etc.) complète ce tableau alimentaire. De plus, l’élevage bovin, porcin et caprin (mouton, chèvre) forme la base de l’alimentation carnée. La chasse y ajoute ponctuellement du gibier. En fin de période, l’exploitation croissante des ressources naturelles sert aussi à alimenter les échanges commerciaux qui se développent. 

À partir du début de l’âge du Bronze, vers 2200 avant notre ère, l’avènement de la métallurgie concourt à ouvrir de nouvelles voies commerciales, maritimes et terrestres. Dans toute l’Europe, le bronze circule sur de grandes distances sous forme de lingots ou d’objets finis, tandis que ses composants (cuivre, étain), en provenance de Bretagne, du Pays de Galles, du nord de l’Espagne et d’Autriche, ont leurs propres itinéraires. Ces nouveaux réseaux d’échange européens permettent d’acheminer d’autres matériaux (or, argent, ambre) ou productions, comme le sel, qui constitue une ressource essentielle tant pour ses qualités culinaires que pour ses propriétés conservatrices. Le sel fait ainsi l’objet d’une exploitation intensive, sur le littoral ou dans des mines, comme à Hallstatt en Autriche. 

De nos jours, quelques épaves de bateaux témoignent de liens commerciaux importants en Méditerranée, touchant sporadiquement le reste de l’Europe. Ainsi, l’épave d’Ulu Burun, sur la côte méditerranéenne de la Turquie, est celle d’un navire de 15 mètres de long qui a été entraîné sous les flots au XIVe siècle avant notre ère, avec une lourde cargaison composée de dix tonnes de lingots de cuivre, d’une quarantaine de lingots d’étain, de jarres provenant du Moyen-Orient, de perles de verre, de bois exotiques, d’objets en bronze provenant de Mycènes ou d’Égypte et d’ambre d’Europe du Nord… D’autres épaves de bateaux ont également été identifiées dans la Manche, comme le Dover boat.

Occupations, habitats

Dès les débuts de l’âge du Bronze, les formes de l’habitat et de l’occupation des terres changent de nature. La variété des constructions et la structuration des sites permettent de déceler la fonction des différents espaces.

Tout au long de l’âge du Bronze, la population vit dans des fermes isolées ou de petits hameaux, comme celui d’Ancenis (Loire-Atlantique). L’implantation d’habitats, isolée ou faiblement groupée, est la norme. Les premiers véritables villages, constitués d’un lieu de rassemblement (lieu cultuel, espace communautaire, etc.), d’un cimetière et comptant quelques dizaines, exceptionnellement quelques centaines, d’habitants, n’apparaissent qu’à partir de 1300 avant notre ère. 

À proximité immédiate des maisons, principalement construites en bois et en terre, des fosses d’extraction fournissent l’argile utilisée pour bâtir les murs et fabriquer la vaisselle en céramique, avant de servir de fosses dépotoirs. La rare utilisation de la pierre se cantonne à quelques régions, comme dans l’ouest, à Beg ar Loued sur l’île de Molène (Finistère).

Révélées par l’empreinte de leurs poteaux au sol, les habitations sont majoritairement rectangulaires et de petites dimensions, parfois accompagnées de greniers surélevés sur quatre poteaux et d’enclos pour le bétail. Plus difficilement détectables, on retrouve ponctuellement les radiers de fondation des maisons bâties sur des murs porteurs en terre. Sur les rives de la Manche, la maison ronde, précédée d’un porche, semble avoir la préférence, à la fin de l’âge du Bronze. 

Les toitures à double pente sont soutenues par de forts poteaux et leur étanchéité est assurée par une couverture végétale. Des systèmes plus élaborés de contreventement sont également attestés. L’architecture à ossature bois autorise une grande modularité des volumes intérieurs. Des pièces distribuent différentes fonctions de l’habitat : couchage, stockage, espaces de vie… Des fours et des foyers permettent d’y cuisiner et de s’y réchauffer.

À la fin de l'âge du Bronze, certains hameaux perchés sur des hauteurs ou délimités par de l’eau, comme à Villiers-sur-Seine (Seine-et-Marne), profitent des conditions naturelles de leur environnement pour se protéger en construisant remparts ou fossés afin de bloquer l’accès sur les côtés restant ouverts. Lieux de vie d’une population favorisée, ces sites fortifiés, livrent souvent des vestiges attestant la présence d’activités artisanales spécialisées –tissage, production potière, métallurgie- contrôlées par les élites locales réapparues vers 1100 avant notre ère.

À la même époque, une tendance au repli spatial semble indiquer une période de stress pendant laquelle la vie collective est un moyen de lutter contre l’insécurité. Des villages comme les sites de Caudan (Morbilhan) ou de Malleville-sur-le-Bec (Eure), où aucune trace d’élite n’a été retrouvée, ont probablement été créés par des paysans désireux d’unir leurs forces contre les dangers potentiels. 
Au XIXe siècle, à l’occasion d’une subite baisse de niveau des lacs suisses, la mise au jour de nombreux pieux sans régularité apparente, au pied desquels se trouvait un grand nombre de charbons, d'ossements d'animaux et de fragments de vases sur les berges a permis de comprendre qu’il ne s’agissait pas de cités lacustres mais de véritables villages, structurés par des ruelles, ceinturés par des palissades et juchés sur les rives afin de se protéger. Outre ceux des lacs du Bourget (Savoie), du Léman, du lac de Zürich ou de celui de Neuchâtel (Suisse), 800 sites palafittiques sont aujourd’hui inventoriés en Europe ; 350 étaient occupés à l'âge du Bronze. 

Culture matérielle

Grâce à sa composition minérale inaltérable, la poterie est le matériau le plus abondamment retrouvé pour la Protohistoire, et notamment l’âge de Bronze. Le métal parvient lui aussi massivement aux scientifiques qui apprécient la fiabilité de sa datation. Les objets confectionnés à partir de matériaux périssables, sans doute alors nombreux, sont plus rarement mis au jour par les archéologues.

Présente aussi bien sur des sites d’habitat que des aires d’activité artisanale ou des aires cultuelles, la poterie est manifestement destinée à des usages polyvalents. Les vases dits « campaniformes », en raison de leur ressemblance avec une cloche (campana en latin) renversée, sont caractéristiques des années 2300 à 2000 avant notre ère. Puis, tout au long de l’âge du Bronze, l’artisanat potier se perfectionne. Le nouveau système de la tournette permet d’affiner les parois des récipients. Ceux-ci s’ornent peu à peu de peinture (rouge, noir, blanc) puis de lamelles d’étain. Rarement retrouvés, tores en argile et fragments de parois de fours portatifs témoignent de la maîtrise des techniques de cuisson. Les soles perforées indiquent la pérennisation des structures de cuisson à la fin de l’âge du Bronze.

À l’instar de la poterie, la variation des formes et des décors des objets métalliques reflète l’évolution des pratiques techniques et des usages. Alors que le fondeur excelle dans la science des alliages, l’artisan utilise des moules en pierre ou en métal pour fabriquer des objets en série, ou encore la fonte à cire perdue pour produire de nouvelles formes d’objets, comme le montrent, par exemple, les vestiges d’ateliers de bronziers mis au jour à Metz (Moselle) et à Montélimar (Drôme). 
À la fin de l’âge du Bronze, la maîtrise du travail de la tôle de bronze, qui nécessite un alliage épuré pour lequel l’usage de la balance à fléau permet un dosage précis, profite à l’armement et à la vaisselle de luxe. Ces deux types d’objet deviennent l’apanage des élites de la fin de l’âge du Bronze. Le tournage du métal, utilisé dans la réalisation des têtes d’épingle, se développe également à partir de 1300 avant notre ère.

Le silex n’est pas totalement délaissé et ses chaînes opératoires complexes sont encore maîtrisées comme le prouvent les pointes de flèche à pédoncule et ailerons retrouvées dans les tumuli élitaires de 2000 à 1800 avant notre ère. Par la suite, les outils en pierre ne semblent servir que de façon opportuniste.

Enfin, les matériaux périssables ne nous parviennent que très rarement, lorsque les conditions de conservation ont été favorables (milieux humides et sans oxygène, comme les tourbières) ou lorsque les objets ont été corrodés par contact avec du métal. Cependant, certains outils en bronze dont l’utilisation a perduré jusqu’au XIXe siècle attestent le travail du bois, des végétaux, des cuirs et des textiles. Dans les habitats, pesons et fusaïoles, en terre cuite ou en pierre, témoignent de la réalisation de cette activité à domicile.

Art et biens de prestige

À l’âge du Bronze, l’art s’exprime aussi bien sur les biens prestigieux, destinés aux puissants que sur les objets d’usage domestique.

Si les objets de la vie quotidienne doivent répondre à des motivations fonctionnelles, il n’est pas rare que le souci d’esthétisme guide la main de l’artisan, comme nous le montrent certaines formes d’objets usuels tels que des vases en céramique, des haches ou des épingles à vêtement. 

L’expression artistique de l’âge du Bronze est caractérisée par le symbolisme géométrique et la rareté du figuratif. Traits, lignes, méandres, damiers, points, cercles concentriques, svastikas, zigzags sont imprimés dans la pâte fraîche des poteries comme dans le métal des bracelets, épingles ou autres cônes en or. Autant de motifs qui figurent également sur les parois des maisons, la vaisselle en bois, les meubles ou les vêtements, voire même probablement sur les tatouages. 

Bien qu’existantes, les représentations humaines ou animales (chevaux, oiseaux) sont rares. Toujours stylisées, elles se rencontrent sur quelques vases et gravures rupestres ou, parfois, sur des chars miniatures ou sous la forme de petites statuettes.

Les objets exceptionnels, tels que cônes en or, torques, chars miniatures, pommeaux d'épée, vaisselle en bronze, sont un signe de prestige. Dans les sociétés de l’âge du Bronze, ces marques de distinction symbolisent non seulement l’opulence mais aussi et surtout le pouvoir. Elles accompagnent les puissants jusque dans l’au-delà.

 

Traitement des morts

En rupture avec les tombes collectives du Néolithique, la sépulture individuelle devient la norme dès le début de l'âge du Bronze, sous l’influence de la culture Campaniforme.

Dans un premier temps, l’inhumation prévaut sur l’incinération. Les défunts sont inhumés dans des sépultures individuelles placées, soit dans des fosses simples creusées à même le sol, soit dans des fosses aménagées avec des coffrages en bois, entourés parfois d’un dallage en pierres, comme la sépulture de Gerzat (Puy-de-Dôme) qui témoigne de ce type de construction particulièrement soigné. Du centre-ouest aux Pyrénées, les abris, dolmens et grottes servent aussi de lieux sépulcraux. Toujours déposé en position fléchie avec les jambes repliées, le corps peut être nu, habillé ou bien enveloppé dans un tissu. 

Puis, à partir de 1800 avant notre ère, la tendance s’inverse jusqu’à la fin de la période. L’incinération, également individuelle, devient la pratique majoritaire d’abord dans l’extrême nord du territoire équivalent à la France avant de s’étendre à la moitié nord, trois siècles plus tard, pour y coexister avec l’inhumation puis se généraliser à la région méridionale vers 1200 avant notre ère. 
Les esquilles brûlées, souvent mélangées au combustible du bûcher, sont, soit enterrées dans des petites fosses à même le sol, soit enfermées dans des sacs en tissu ou en cuir, dans des paniers ou des coffres en bois ou placées dans ou sous une urne céramique posée à l’envers. 
À la fin de l’âge du Bronze, les rites liés à l’incinération se diversifient et se régionalisent. Les sépultures du centre-nord sont sobres et dépourvues de tout viatique tandis que celles retrouvées dans les régions orientales sont abondamment dotées en parures, armes et outils et vases en céramique, comme on peut le voir dans la nécropole de Marigny-le-Châtel (Aube). Accompagnant chaque défunt de cette région, les objets personnels sont de différentes natures, plus ou moins précieux et nombreux. Leur analyse renseigne les archéologues sur le sexe, l’âge et l’appartenance communautaire du défunt. D’un fort symbolisme, ils peuvent même remplacer le défunt dans certaines sépultures complètement dépourvues de restes humains ou ne recelant que quelques grammes d’os brûlés. 

Alors que les habitations de l’âge du Bronze sont éphémères et régulièrement reconstruites ailleurs, les monuments funéraires de la même période sont conçus pour être visibles de loin et perdurer au même emplacement. Selon les ressources géologiques disponibles localement, les espaces funéraires prennent la forme de tertre, de tumulus ou de cairn, aux dimensions souvent imposantes. La fouille de huit grands cercles de pierre situés à Courcelles (Loiret) a ainsi révélé la fonction de ce mystérieux ensemble. Par ailleurs, quelques mégalithes et dolmens édifiés depuis le Néolithique accueillent aussi des défunts à l’âge du Bronze. 
De “la ville des morts” accumulant des centaines de sépultures au modeste groupe familial de quelques tombes, les nécropoles sont ainsi utilisées sur plusieurs générations, parfois au-delà d’un millénaire. 

En Europe

À l’âge du Bronze, les différentes communautés occupant la péninsule eurasienne tissent, pour la première fois, des liens économiques et politiques à longue distance. Ce phénomène inédit de globalisation, parfois nommé « européanisation du IIe millénaire », va contribuer à la transformation durable des sociétés protohistoriques.

Dès 5000 avant notre ère, durant le Néolithique, certains biens, comme les grandes lames de haches surpolies en roche verte provenant des Alpes italiennes, sont déjà diffusés de proche en proche, d’abord dans des régions voisines puis de plus en plus loin, en Europe nord-occidentale. À la même période, l’or et le cuivre sont acheminés à travers l’Europe orientale. Ces premières circulations à longue distance initient les futures voies d’échange élargies et consolidées de la fin du IIIe millénaire.

En effet, des ensembles de vestiges très similaires, datés de la fin du Néolithique au début du Bronze ancien, entre 2500 et 2000 avant notre ère, sont découverts à plusieurs milliers de kilomètres de distance. Ce sont les empreintes d’une culture commune, nommée Campaniforme, provenant du Proche-Orient, qui a été adoptée rapidement sur toute la péninsule européenne. Ces packages d’objets caractéristiques, comme celui retrouvé à Blagnac (Haute-Garonne), sont composés de vases à profil en S, souvent ornés de motifs horizontaux, d’éléments de parure typiques, d’objets en cuivre (poignard ou armature de lance) et parfois d’attributs de l’archer (pointes de flèches et brassards). Leur présence est systématiquement accompagnée de traces de changements radicaux dans la société, tels que des pratiques funéraires recentrées sur l’individu, une intensification de la stratification sociale et le développement de la métallurgie.

Cette uniformisation des pratiques culturelles sur un vaste territoire qui s’étend des rives de la mer Noire jusqu’à la façade atlantique et du détroit de Gibraltar à la mer de Barents prouve que des circuits d’échanges amorcent l’existence d’un nouveau monde. Pour la première fois, certains sites sanctuaires, comme ceux de Bohuslän (Suède), du val Camonica (Italie) ou du mont Bego (Alpes-Maritimes) polarisent des populations venant de loin. En 2002, la découverte d’une tombe datée du Bronze ancien aux environs de Stonehenge, à Amesbury (Angleterre), a confirmé l’attrait qu’exerçaient de tels sites à l’échelle de l’Europe. L’analyse des isotopes de l’oxygène présents dans l’émail des dents du défunt a en effet montré qu’il venait d’une région alpine. Les brassards d’archer, vases campaniformes et trois poignards en cuivre qui l’accompagnaient avaient été réalisés dans des métaux originaires d’Espagne ou de l’ouest de la France, tandis qu’une parure en or provenait d’Europe continentale. 


Suite à l’influence de la culture Campaniforme, de nombreuses populations européennes adoptent le bronze pour sa robustesse et sa facilité à être recyclé. L’essor métallurgique entraîne un fort besoin d’approvisionnement en cuivre et en étain. À partir de 2000 avant notre ère, des élites s’établissent sur, ou à la périphérie, des secteurs riches de ces minerais dans le nord-ouest de la France, dans le sud de l’Angleterre, en Europe centrale et en Espagne du Sud afin de contrôler la production puis l’exportation du bronze. Les échanges à longue distance de matières premières mais aussi de biens de prestige ont pour vocation d’assurer le statut et la reproduction sociale des élites à la tête de leurs communautés. 
À partir de la fin de l’âge du Bronze, ces liens économiques européens se distendent à cause de l’arrivée d’un nouveau matériau beaucoup plus accessible à l’échelle locale : le fer. Le phénomène de globalisation se ralentit nettement.