Mésolithique

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Structures sociales

Les données archéologiques offrent un aperçu assez vague de la structure sociale des différents groupes de chasseurs-cueilleurs. 

La forme des armatures de flèches, considérées comme des éléments à forte charge culturelle, varie dans le temps mais aussi selon les régions. Ces différences morphologiques indiquent, notamment, que les populations mésolithiques peuplant le territoire correspondant à la France actuelle sont arrivées du Proche-Orient par deux couloirs distincts, l’un venant du nord-est et l’autre du sud-est.

La taille des sites, leur fonction ainsi que la faune chassée permettent d’envisager l’existence de groupes nomades peu denses et relativement mobiles. Le nombre d’individus composant ces groupes semble étroitement lié à la quantité de ressources disponibles sur les espaces qu’ils occupent. Ainsi, dans certaines régions, la provenance des matières premières lithiques permet de retracer les déplacements des groupes et indique l’étendue des territoires qu’ils exploitent. 

La fin de la période connaît une évolution du mode de vie des Mésolithiques. Certains sites relativement denses suggèrent un allongement du temps d’occupation durant plusieurs saisons d’affilée. Devenant progressivement semi-sédentaires, les humains du Mésolithique font évoluer leurs pratiques funéraires en regroupant les sépultures. 

Par ailleurs, les découvertes du site de Téviec (Morbihan) sur la presqu’île de Quiberon, où un individu a succombé à des tirs de flèche, ou de celui d’Ofnet en Allemagne, où des crânes ont été regroupés dans des fosses, nous indiquent des morts violentes. De même, à la Grotte des Perrats, à Agris (Charente), la présence de plusieurs individus dépecés orientent certains auteurs vers une hypothèse de cannibalisme. 
 

Spiritualité et religions

Si les données archéologiques offrent peu d’informations sur les croyances de ces populations, certaines découvertes funéraires mettent en évidence une relation spirituelle entre les humains et leur milieu naturel.

Au cours du Mésolithique, les inhumations se multiplient et la fin de la période se caractérise par des regroupements successifs de 3 à 5 sépultures indiquant une pérennisation des sites funéraires.
En France, sur le site de Casseneuil (Lot-et-Garonne) et dans les cimetières de Téviec et de Hoëdic (Morbihan), des bois de cerfs remontant à la fin du Mésolithique ont été trouvés aux côtés des défunts.
En Allemagne, à Bad Dürrenberg, une dépouille féminine richement parée de restes animaux  (bois de cerf, dents de cerf et de sanglier, coquilles, carapaces de tortue et autres vestiges) a été découverte. La reconstitution de son costume évoque celui des chamanes.

Dans le nord de l’Angleterre et en Allemagne, sur des sites de -9500 environ, des crânes de cerf garnis de leurs bois ont été mis au jour. Ces objets sont assimilés à des coiffes, peut-être jadis agrémentées des peaux de ces animaux, qui ont pu être portées pour faciliter l’approche de proies. Ils peuvent aussi être liés à des pratiques chamaniques, comme les ethnologues en ont notamment identifié chez des peuples sibériens.  
De même, il est délicat d’interpréter la valeur spirituelle des bucranes (os frontal et chevilles osseuses) d’aurochs soigneusement déposés au fond de fosses à Auneau (Eure-et-Loir), ou encore des chevreuils entiers retrouvés dans des fosses, par exemple à Etomelles (Aisne).

S’il est tentant de voir en ces dépôts (parures, animaux) des symboles servant à honorer une divinité pour assurer une chasse abondante, la démonstration archéologique de ces hypothèses reste bien hasardeuse.

Subsistance, économie

Comme leurs prédécesseurs du Paléolithique, les femmes et les hommes du Mésolithique pratiquent la chasse, la pêche et la cueillette. 

Dans ces forêts tempérées, les cibles favorites des archers sont le sanglier, le cerf, le chevreuil et l’aurochs, mais aussi les carnivores (ours, loup, lynx ou blaireau) ; les petits mammifères et oiseaux ne sont pas dédaignés. Ces proies alimentaires fournissent également des peaux pour se vêtir, des tendons à transformer en liens, et des os pour fabriquer des outils. Les travaux récents ont souligné l’existence de sites de courte durée, centrés sur une seule étape de la chaîne opératoire de fabrication des armatures de flèches ou du traitement des peaux. Cependant, la complémentarité fonctionnelle ou saisonnière entre les sites reste difficile à cerner et ne permet pas d'identifier le rythme des déplacements de ces populations nomades.
Le milieu aquatique ne résiste pas davantage aux assauts des Mésolithiques équipés de nasses, harpons, foënes et hameçons. Des traces issues de la mer et de l’eau douce indiquent que poissons, oiseaux aquatiques et mammifères tels que le castor ou la loutre sont pourchassés, ou bien encore que le brochet et l’anguille sont pêchés. Toutefois, les restes de poisson sont rarement découverts en raison de la difficile accessibilité de ces sites.                       

Les indices liés à la cueillette sont tout aussi ténus. Des poires sauvages sont présentes dans certains amas coquilliers bretons. L’abondance de coques de noisettes carbonisées sur de nombreux sites plaide pour la consommation de cette graine qui pouvait être conservée après torréfaction. Ces dernières années, la découverte de plusieurs fosses mésolithiques en Champagne, comme à Auneau (Eure-et-Loir), relance le débat sur la probabilité de la pratique du stockage, notamment à la fin de la période.

L’importance vitale du silex – pour la confection d’outils et d’armes de chasse – implique parfois des ravitaillements lointains, sur des distances de plus de cent kilomètres. Le site de Ruffey-sur-Seille (Jura) a, par exemple, dévoilé un dépôt d’une vingtaine de blocs de pierre qui avaient été présélectionnés avant leur transport. La provenance assez éloignée de certains objets, tels des galets issus de roches spécifiques ou des éléments de parure, peut témoigner soit d’emprunts ou d’échanges entre des groupes distincts, soit de très longues distances parcourues par un même groupe.

Occupations, habitats

Si les archéologues parviennent à déterminer la taille des sites en fonction de la densité de vestiges en os ou en silex, et du nombre de foyers, les structures d’abri restent largement méconnues.

L’archéologie préventive a permis la découverte de très nombreux sites mésolithiques de plein air, notamment dans les plaines alluviales, là où les limons de débordement, les tourbes ou les travertins ont assuré une bonne conservation des niveaux préhistoriques. Exceptionnellement bien conservé, le site de Star Carr daté du IXe millénaire  avant notre ère dans le nord-est de l’Angleterre, a permis d’observer la présence d’une plate-forme en bois en bordure de lac.
Les plateaux ou versants ont également été occupés mais les sites, moins bien conservés voire érodés (absence de couverture limoneuse), sont plus rares. Les abris sous roche ou grottes sont, en revanche, des lieux de séjour clairement attestés. Enfin, des traces d’exploitation du milieu maritime montrent que certains groupes investissent les zones littorales tandis que d’autres vivent à l’intérieur des terres.

La majorité des sites de plein air se matérialise par une ou plusieurs concentrations de silex et d’os, auxquelles sont parfois associés des foyers. La quasi-absence de témoins de structures d’abri solides et pérennes semble indiquer des temps d’occupation très brefs pendant lesquels les hommes et femmes du Mésolithique se seraient contentés de construire tentes ou abris provisoires. 
Enfin, la concentration de multiples vestiges sur une vaste surface s’explique par la présence de campements de différentes époques dont les traces des séjours successifs se sont cumulées.
D’après les restes de faune identifiés sur les sites, les groupes semblent restreints et pourraient correspondre à une seule famille.

Les activités de taille du silex et de traitement du gibier (boucherie, traitement des peaux, transformation de l’os) s’organisent dans certains cas près des foyers. À Ruffey-sur-Seille (Jura), soixante foyers traduisent l’intensité des multiples occupations, qui sont soit juxtaposées, soit superposées. Certains foyers ont pu faire l’objet d’un entretien, décelé par la présence de vidanges de foyer, comme à Remilly-les-Pothées (Ardennes).

Récemment, plusieurs fouilles préventives ont identifié en Champagne des dizaines de fosses, parfois volumineuses, en dehors de tout contexte évident d’habitat. Leur fonction suscite diverses hypothèses : trou à eau, fosse de stockage, etc. L’interprétation des archéologues s’oriente vers des dispositifs liés à la chasse.

Culture matérielle

La culture matérielle des hommes et des femmes du Mésolithique est principalement constituée d’outils en silex ou en matière dure animale. 

Les végétaux devaient être essentiels pour la confection des flèches, des arcs et manches d’outils, mais les gisements favorables à la conservation du bois étant rares, ils n’ont laissé que peu de traces aux archéologues. Toutefois, l’observation de microtraces d’utilisation sur les outils en silex (tracéologie) permet de témoigner du travail des plantes sur de nombreux sites.

La définition des différentes cultures matérielles, très variable selon les auteurs, repose essentiellement sur l’industrie lithique, et notamment sur la forme des microlithes. Les plus communes sont les pointes à base retouchée ou non retouchée, les triangles isocèles et scalènes, les segments de cercle, les pointes dites de Sauveterre... Le silex sert également à fabriquer des grattoirs, des burins et parfois des outils massifs assimilés à des haches taillées en silex. De nombreux déchets de taille sont utilisés bruts. Plusieurs types de grès sont également transformés en galets allongés ou biseautés, en outils prismatiques ou en polissoirs à rainure.

Les matières dures animales exploitées sont les os, les dents de sanglier et les bois de cervidés. En Europe septentrionale, ils sont transformés en une large gamme d’éléments de projectiles. En France, en revanche, hormis quelques rares harpons et pointes en os signalés ici ou là, la production se résume à de simples pièces biseautées ou appointées, destinées à des activités domestiques. Des morceaux évidés et perforés de bois de cerf semblent faire office de gaines de hache.

Les matières végétales ont largement été travaillées par les Mésolithiques du nord de l’Europe. En France, la rareté des gisements favorables à leur préservation limite de potentielles découvertes mais, de toute évidence, la fabrication des arcs et des flèches nécessitait déjà un certain savoir-faire. Plusieurs pirogues monoxyles ont été découvertes dans la vallée de la Seine. La plus célèbre est celle de Noyen-sur-Seine (Seine-et-Marne), qui consiste en un tronc de pin évidé. Sur ce site, de beaux témoignages de vannerie en osier ou en troène ont également été mis au jour.

Art et biens de prestige

Les éléments de parure constituent les biens de prestige les plus évidents. En revanche, l’art rupestre est plus rarement identifié.

Les hommes et les femmes du Mésolithique se parent d’objets constitués de coquillages, de coquillages fossiles et, selon les cas, de vertèbres de poisson ou de canines de cerf, appelées craches ou croches.

Certains types d’objets en os, silex et autres, ont également pu revêtir un certain prestige. Ils peuvent être ornés de motifs géométriques, comme cet os d’aurochs découvert à Choisey (Jura), qui porte une suite de stries, ou encore ces gaines perforées en bois de cerf de la fin du Mésolithique, trouvées dans le nord de la France, couvertes de pointillés et de chevrons.

Des exemples d’art plus réaliste sont attestés, notamment une figurine en bois mise au jour à Volkerak aux Pays-Bas.

Probablement attribuables au Mésolithique, les gravures qui ornent les parois des abris gréseux du Bassin parisien dessinent souvent des formes de grilles. On ignore s’il s’agit de motifs totalement abstraits ou, à l’inverse, de représentations de huttes ou d’objets en vannerie.

Traitement des morts

Les tombes du Mésolithique révèlent une grande diversité dans le traitement des défunts. On trouve aussi bien des sépultures isolées que des regroupements funéraires. Les tombes elles-mêmes recèlent un ou plusieurs individus, ensevelis simultanément ou de manière successive.

Caractéristiques de la période, les inhumations assises sont courantes comme à Casseneuil (Lot-et-Garonne), mais les défunts peuvent également être inhumés sur le dos.  Par souci de gain de place en vue des inhumations à venir, les ossements sont parfois manipulés après la décomposition des parties molles. Ainsi, à la Chaussée-Tirancourt (Somme) ainsi qu’à Achères (Yvelines), les principaux ossements ont été récupérés pour être ensevelis dans une fosse aux dimensions très réduites. L’absence des plus petits ossements montre clairement qu’il ne s’agit pas du lieu initial du dépôt : c’est donc une sépulture secondaire.

Les corps sont parfois incinérés ou simplement exposés au feu ; c’est le cas à Ruffey-sur-Seille (Jura). Mobilier, offrandes animales, parures et ocres peuvent y être associés.

Par ailleurs, il n’est pas rare que l’on retrouve sur les haltes de chasses des restes humains isolés, comme la mandibule humaine du site de de la rue Farman (Paris). Certains portent, comme à Noyen-sur-Seine (Seine-et-Marne), des traces d’actions humaines (désarticulation, chauffe…) pouvant relever de pratiques funéraires spécifiques.

Ailleurs dans le monde

Présent dans tout l’Ancien Monde, le Mésolithique se caractérise par des sociétés de chasseurs-cueilleurs producteurs d’armatures de flèches en silex qui s’adaptent au réchauffement du climat.

Le Mésolithique est présent dans presque tout l’Ancien Monde. Cette période, calée entre sociétés paléolithiques de l’époque glaciaire et agropastorales du Néolithique, est marquée par le développement des sociétés de chasseurs-cueilleurs producteurs d’armatures de flèches en silex. Les grandes mutations qui l’accompagnent – chasse à l’arc, microlithisation des armatures de flèches et adaptation au climat tempéré - répondent à des phénomènes naturels et culturels complexes. Elles se traduisent de manières diverses, avec une certaine disparité chronologique.

L’étude de cette période est surtout menée en Europe, que l’on peut diviser en plusieurs grandes régions selon les types de sites préservés. Dans tous les secteurs pourvus de grottes et d’abris – l’Europe méditerranéenne notamment –, les principales informations proviennent de ce type de sites bien représentés, alors que les gisements de plein air sont plus rares.

Dans les régions septentrionales (nord de l’Angleterre, Scandinavie, nord de la Russie…), le comblement tourbeux des lacs périglaciaires a permis une protection optimale des couches archéologiques avec, par exemple, des objets en bois bien conservés. Les sites côtiers de la deuxième moitié du Mésolithique sont parfois préservés sous la forme d’amas coquilliers constitués par les rejets de cuisine. C’est par exemple le cas sur les bords de la Baltique et le long de l’Atlantique au Portugal, au nord de l’Espagne, au sud de la Bretagne et sur certaines côtes britanniques.

La recherche s’est beaucoup focalisée sur les régions sableuses du Bassin parisien, de la Campine belge, du sud de l’Angleterre et de la Pologne. Elle s’y poursuit encore, mais s’oriente davantage vers les plaines alluviales, plus favorables à la préservation. La tendance actuelle est d’investir les fonds marins pour explorer les surfaces exondées pendant le début du Mésolithique.