Néolithique

-6000
/
-2300

Structures sociales

Si les premières sociétés agropastorales d’Europe occidentale semblent peu hiérarchisées, le développement du mode de vie néolithique favorise fortement les inégalités sociales.  Les vestiges funéraires et ceux de l’habitat en sont les principaux témoins archéologiques.

Constitués de modestes maisons familiales ou collectives, les premiers villages d’Europe de l’ouest ne témoignent pas d’écarts sociaux très marqués avant 4800 avant notre ère, même si les maisons présentent différentes tailles, notamment dans le nord-est de la France.

Entre 4800 et 3500 avant notre ère, les Néolithiques s’installent dans des points stratégiques du paysage : éperons barrés, bords de terrasses alluviales, éminences. Les villages sont parfois cernés de puissantes palissades et de profonds fossés, dont les fonctions défensives ne font souvent aucun doute ; c’est le cas de la fortification monumentale de Seilh (Haute-Garonne).

L’évolution de l’habitat trahit l’existence de conflits récurrents entre les groupes humains. En effet, la sédentarisation et l’appropriation du territoire par les communautés paysannes ont probablement entraîné, à la faveur d’une augmentation de la population, un besoin croissant de terres arables et de pâtures. La création de stocks de nourriture, fruits des moissons et de l’élevage, a également pu aiguiser les convoitises, en particulier durant les épisodes de tension alimentaire. En outre, les squelettes d’individus de cette époque portant des traces de mort violente sont nombreux. Ceux du site d’Achenheim (Bas-Rhin), par exemple, ont subi une mise à mort cruelle et un acharnement post mortem traduisant une fureur guerrière ritualisée. 

À la fin du Néolithique, l’apparition de grandes constructions monumentales traduit la poussée démographique sans précédent en Europe. L’émergence d’une hiérarchie sociale forte est visible dans le prestige de certaines architectures domestiques, mais aussi cultuelles ou funéraires. 

Les dépôts dans les tombes exceptionnelles indiquent que, dans ce contexte de montée de la violence, ce sont les individus les plus aptes à défendre le groupe qui sont socialement distingués. 
Par exemple, le défunt de la prestigieuse sépulture de Céreirède Rauze-Basse à Lattes (Hérault) était doté d’un lot de flèches en silex, vestiges probables d’un carquois aujourd’hui disparu. En outre, la figure de l’archer est très souvent valorisée dans l’art pariétal de cette époque. D’autres objets, souvent non fonctionnels et de belle facture, caractérisent les dépôts de ces tombes privilégiées. Il s’agit d’objets-signes. Ils sont parfois en lien avec le pouvoir guerrier comme les haches d’apparat finement polies en roche verte d’origine alpine, les haches-marteaux ou les sphéroïdes perforés en roches rares. La préciosité de riches parures en or, en ivoire, en corail ou en ambre, ou d’objets en cuivre, récemment inventé, atteste aussi l’existence de fortes inégalités sociales.

Si l’organisation sociale des diverses communautés néolithiques demeure mal connue, les premières études de l’ADN de ces populations montrent qu’elles sont organisées autour de la figure paternelle. Il s’agit de sociétés exogames, patrilocales et patrilinéaires. Les figures fortes présidant au destin de l’ensemble de la communauté ont pu endosser des rôles de chef, de roi ou de sage. 
Certaines femmes bénéficiaient cependant d’un statut élevé, comme en témoignent des tombes féminines riches en offrandes (parures, offrandes alimentaires, divers objets manufacturés).
Les rares tombes prestigieuses d’enfants indiquent que le prestige pouvait déjà revêtir un caractère héréditaire. À l’opposé, les individus adultes ou immatures inhumés sans soin et sans offrande peuvent témoigner de l’existence d’une classe sociale inférieure, voire servile. 

Spiritualité

Les vestiges funéraires matériels attestent l’existence de rites en lien avec des croyances aujourd’hui oubliées. Les représentations graphiques constituent une autre source de documentation pour tenter de décrypter l’imaginaire de ces populations anciennes.

Parfois orientées en fonction de la position du soleil à certains moments de l’année, les grandes tombes monumentales collectives que sont les dolmens ou les hypogées semblent faire l’objet de rituels saisonniers qui renvoient éventuellement au cycle de la vie et de la mort. Les aliments et les objets de valeur déposés avec les défunts indiquent que des cérémonies célèbrent les morts et peut-être aussi les ancêtres. 

D’autres vestiges sont plus énigmatiques. Des menhirs disposés en cercle ou en ligne, parfois sur plusieurs kilomètres, marquent encore aujourd’hui le paysage et restent les témoins visibles de croyances perdues, comme les fameux alignements de Carnac (Morbihan) ou ceux de Veyre-Monton (Puy-de-Dôme), indiquant que ces monuments sont loin de se limiter à l’ouest de notre territoire. Ces croyances ont pu avoir un lien avec des mythes de création ou de fonctionnement du monde. 
À la fin du Néolithique, on retrouve dans toute l’Europe des statues-menhirs figurant des hommes en armes ou des femmes richement parées. Ces stèles anthropomorphes ont pu être inspirées soit par d’illustres défunts, soit par des figures mythiques. 

Il en va de même des représentations graphiques (essentiellement des pétroglyphes et des peintures rupestres). Certaines ont pu traduire des récits mythologiques et d’autres, des scènes du quotidien mais il ne fait aucun doute qu’elles n’ont pas qu’une fonction simplement décorative. Leurs sujets révèlent les activités socialement valorisées par les sociétés néolithiques : la guerre, la chasse aux grands gibiers et certaines activités agricoles. Toutefois, les éventuelles croyances en lien avec ces gravures symboliques restent inconnues.

 

Subsistance et économie

Contrairement aux chasseurs-cueilleurs du Paléolithique et du Mésolithique qui tiraient leur subsistance de la nature en pratiquant chasse, pêche et cueillette, les hommes du Néolithique entreprennent de produire l’essentiel de leur alimentation en cultivant la terre et en élevant des animaux. 

En Europe, l’agriculture n’apparaît pas spontanément ; elle est introduite par des populations d’agriculteurs qui ont émigré du Proche-Orient 4 000 ans auparavant, à la recherche de nouvelles terres cultivables et habitables, emmenant avec eux semences et animaux. Les premiers paysans européens sont donc les lointains descendants de ces paysans proche-orientaux. Il en est de même pour les espèces domestiques – animales et végétales – exploitées en Europe.

Bien avant leur arrivée en Europe, les bovins, les ovins, les caprins et probablement les porcins, mais aussi les chiens et les céréales cultivées ont déjà subi de profonds changements liés à la domestication. Les bœufs sont beaucoup plus petits et moins agressifs que leurs cousins sauvages, les aurochs du Proche et du Moyen-Orient. Le mouton et la chèvre sont de nouvelles espèces, inconnues en Europe avant le Néolithique, dérivées, pour l’un du mouflon asiatique domestiqué en Iran 8 500 ans avant notre ère et, pour l’autre de la chèvre aegagre d’Asie. Bien que le chien existe déjà en Europe depuis le Paléolithique, celui qui accompagne les paysans néolithiques est le premier à consommer de façon régulière des céréales cuites. Il a développé la capacité de digérer l’amidon et sa mâchoire a perdu de sa vigueur. 
Si les espèces domestiques qui nous entourent aujourd’hui descendent des animaux domestiques néolithiques, elles n’ont plus rien à voir avec leurs lointains ancêtres néolithiques proche-orientaux, et encore moins avec leurs ancêtres sauvages. Après des millénaires de sélection opérée par les humains, leur génome a été irrémédiablement transformé en fonction de la stature, de la docilité, de la couleur du poil, de la productivité laitière ou carnée ou encore des capacités de reproduction. 

Les plantes domestiques sont également différentes de leurs ancêtres sauvages, mais le passage de l’une à l’autre est un processus lent et progressif qui a débuté au Proche-Orient vers 9000 avant notre ère. Les espèces végétales cultivées par les paysans néolithiques d’Europe proviennent de céréales et de légumineuses domestiquées au Proche-Orient.
Les archéobotanistes, qui étudient les restes de graines découverts lors des fouilles archéologiques, ont montré qu'en France, au début du Néolithique, les blés nus tiennent une place majoritaire. Ces blés, qui demandent des sols profonds et riches, cohabitent souvent, dans les terroirs moins fertiles, avec les céréales vêtues (engrain, orge, blé amidonnier), notamment dans les régions méridionales. 
À partir de 4000 avant notre ère, la tendance s’inverse : les cultivateurs européens privilégient les blés vêtus, très résistants et adaptables à presque tous les sols. Les enveloppes végétales très serrées qui enferment leurs grains les protègent et facilitent leur conservation, mais nécessitent un décorticage préalable à la consommation. 
Les légumineuses – pois, lentilles, fèves, gesses chiches ou communes et erviliers – sont des cultures plus secondaires, mais constituent un complément alimentaire certain. Le lin, mis à contribution pour le tissage d’étoffes, et le pavot, utilisé à la fois pour son huile et comme narcotique pour lutter contre la douleur, sont tous deux attestés sur quelques sites du nord de la France. L’agriculture néolithique n’a donc pas uniquement concerné des plantes alimentaires.
Chasse, pêche et cueillette continuent d’être pratiquées par les paysans néolithiques. Noisettes, glands, pignons, prunelles, raisins sauvages, baies de sureau, mûres, arbouses, fraises, pommes, poires, framboises, myrtilles, airelles et figues sont collectés dans la nature. La chasse fournit de la viande à consommer, mais surtout des matières premières particulières : os, fourrures, plumes, andouillers de cerf ou de chevreuil, canines de sanglier. Encore souvent représentée dans l’art graphique néolithique après le Paléolithique, il semble que la chasse des grands mammifères sauvages, comme l’auroch ou le cerf, revêt une valeur symbolique forte. Elle démontre la force et l’habileté de celui qui l’accomplit ; à ce titre, elle a pu constituer un rite de passage entre l’adolescence et l’âge adulte. Enfin, les populations installées le long des cours d’eau consomment brochets, brèmes, anguilles et truites. En bord de mer, on pêche des dorades et on collecte des coquillages : patelles, huîtres, moules, peignes glabres, coques…

Occupations, habitats

Si au Proche-Orient, la sédentarisation est antérieure à l’apparition de l’agriculture, en Europe, c’est le mode de vie agricole qui entraîne la construction d’habitats pérennes.

Ensemencer les champs, surveiller les récoltes et les troupeaux, stocker les semences plusieurs mois avant de les replanter exige une présence constante. L'habitat sédentaire s’impose donc. Les campements des populations nomades laissent la place aux premières maisons néolithiques bâties « en dur ». De nouvelles problématiques découlent immédiatement de « l’invention » du village : l’accès à l’eau, la protection des populations ou encore l’entretien des espaces collectifs… 

Entre 5800 et 4800 avant notre ère, plusieurs traditions architecturales coexistent. Les premiers villages européens sont souvent installés dans des plaines fertiles, à proximité de cours ou de plans d’eau. Au nord du territoire correspondant à la France actuelle, les maisons collectives mesurent quelques dizaines de mètres de long. Le site de Luzancy (Seine-et-Marne) a révélé un hameau composé de cinq maisons de ce type. D’autres sites montrent que l’espace domestique contient généralement un foyer ou un four en terre, probablement dévolus aux préparations culinaires, et un lieu destiné au sommeil. De grandes jarres servent à stocker les aliments. Des fosses allongées, situées de part et d’autre des habitations, sont les vestiges des carrières ayant fourni la terre nécessaire à la construction des murs en torchis avant de servir de poubelle. 
À la même époque, les maisons de la zone méditerranéenne sont plutôt de plan rond ou ovale, de taille familiale, d’une surface de quelques dizaines de mètres carré seulement. Leur modèle est probablement hérité de la péninsule italienne. Ces architectures, probablement élaborées essentiellement en bauge, ont laissé peu de traces archéologiques.

Entre 4800 et 3500 avant notre ère, la structure des villages change ainsi que leur lieu d’installation. Souvent beaucoup plus grands, ils sont situés dans des points stratégiques du paysage : éperons barrés, bords de terrasses alluviales, éminences, et sont parfois cernés de puissantes palissades et de profonds fossés. Certains villages néolithiques, aujourd’hui inondés, ont révélé de nombreux vestiges grâce aux excellentes conditions de conservation du milieu humide. Situés autour des lacs et des marais alpins, ces sites palafittiques regroupaient quelques dizaines de maisons en bois, généralement reconstruites tous les 10 à 15 ans et parfois retranchées derrière une palissade protectrice. Les vestiges ont également révélé un large éventail d’activités artisanales pratiquées par les villageois : poterie, vannerie, sparterie, tissage et couture, fabrication d’outils en os ou en pierre et d’instruments en bois. 

À partir de la seconde moitié du Néolithique, des bâtiments monumentaux remarquables sont édifiés. Le gigantisme et le caractère inédit de certaines architectures des constructions mises au jour sur le site de Pont-sur-Seine (Aube) en sont de parfaits exemples. Leur fonction semble diversifiée. Certains sont des habitats collectifs pouvant loger plusieurs dizaines d’individus, d’autres semblent être des bâtiments élitaires, des lieux de pouvoir ou encore des espaces à vocation cultuelle. L’essentiel des bâtiments est élaboré en bois, terre et tiges de végétaux mais les techniques de construction sont étroitement liées aux contraintes et aux disponibilités locales. Ainsi, les villages de la fin du Néolithique découverts dans les garrigues du sud de la France sont en pierre sèche ; là où le bois et la pierre manquent, les maisons sont essentiellement édifiées en terre et en végétaux et, à proximité des grands lacs, on construit sur pilotis.

Bien que sédentaires, les populations néolithiques fréquentent et exploitent un paysage beaucoup plus vaste que le village et ses abords. En effet, les cavités naturelles peuvent être utilisées comme bergerie ou comme lieu de sépulture. Les lacs, rivières et mers constituent des lieux d’acquisition de ressources alimentaires ou de matières premières particulières mais aussi des axes de circulation. Les zones riches en ressources naturelles (silex, pierres fines ou encore cuivre) sont âprement recherchées et convoitées.
Ainsi, le Néolithique est caractérisé par une modification durable et souvent irréversible du paysage par l’activité humaine. Les minières, comme celles de Ri (Orne) ou de Jablines (Seine-et-Marne) par exemple, témoignent de ce fort impact des populations sur l’environnement. De plus, le défrichage des boisements pour dégager de nouvelles terres agricoles est intense. Beaucoup de paysages actuels, comme les garrigues du sud de la France, sont le fruit de l’action exercée par les Néolithiques sur la nature. 

Culture matérielle

Au Néolithique, la fabrication abondante de nouveaux objets répond aux besoins inédits des paysans sédentaires. Les formes et les motifs de ces productions artisanales sont de précieux marqueurs des déplacements et de l’évolution des différents groupes de population reconnaissables au travers de leurs traditions esthétiques et techniques.
   
L’artisanat néolithique utilise une multitude de matériaux : pierre, terre, bois et écorce, os, peau, tendons, dents, bois de cervidés, corne, plume, coquillages, fibres végétales. Pourtant, une part infime est parvenue jusqu’à nous. Seuls la céramique, les objets en pierre ou en coquilles et parfois en os figurent sur les sites archéologiques terrestres, tandis que les sites inondés, comme les villages palafittiques, ont permis de conserver quelques objets en matières organiques périssables. 

La vannerie, la sparterie et le travail du cuir, du bois et de l’os sont fréquemment utilisés pour fabriquer des paniers, des vêtements, des parures corporelles, des peignes et autres ustensiles. Au quotidien, les Néolithiques se vêtissent probablement de cuir et de peaux cousues ensemble. Les tissus, très longs à produire, sont réservés à la confection d’accessoires tels que ceintures, rubans ou pièces à fixer sur le vêtement de peau. 

Les récipients destinés aux préparations alimentaires et la vaisselle de service sont en céramique. Parfois présentes avant le Néolithique, ces poteries fragiles et assez lourdes se développent considérablement car elles conviennent mieux au mode de vie sédentaire que nomade. Les potiers et les potières créent des formes et des décors imprimés, gravés ou collés sur les pots qui caractérisent des communautés de pratiques. Ces traditions techniques permettent aujourd’hui aux archéologues de retracer les déplacements et l’évolution de chaque groupe néolithique. 

Le développement agricole entraîne la multiplication de certains objets existants et l’invention de nouveaux. Ainsi, l’essor des haches polies s’explique par le défrichage intensif qui caractérise le Néolithique. Les lames en silex, destinées à la coupe des céréales, et les galets ou gros blocs de pierre taillée, voués à transformer les grains en farines, sont produits en abondance. Le stockage des céréales et la conservation des semences entraîne l’apparition de très grands récipients, ainsi que l’invention des silos et des greniers. Entre 3500 et 2500 avant notre ère, l’invention de l’araire, du travois, du joug ou encore de la roue pleine en bois, atteste l’utilisation croissante de la force animale dans les activités de traction.
Par ailleurs, les nombreuses découvertes de haches de guerre et d’apparat ainsi que de poignards en silex ou en cuivre prouvent l’existence de conflits entre groupes humains à cette période.
 
D’autres objets plus précieux ont une valeur plus symbolique qu’utilitaire. Fabriqués dans des matériaux rares provenant parfois de loin, comme l’obsidienne de l’île de Lipari en Italie, ils font l’objet d’échanges sur de longues distances et parfois d’une thésaurisation. Ainsi, les haches en roche verte d’origine alpine sont diffusées dans toute l’Europe et souvent déposées dans les tombes prestigieuses. Les grandes lames en silex produites par des artisans spécialisés, les parures en callaïs ou en ambre ou encore les objets en obsidienne ou en ivoire accompagnent aussi les défunts illustres. À la fin du Néolithique, l’artisanat du cuivre se développe dans le sud de la France. Il permet d’obtenir des objets prestigieux, notamment des armes, réservés à une élite : poignards, pointes de lances et de javelots, haches, perles. 

En dehors de ces objets de prestige, un souci esthétique est également présent au quotidien dans la société néolithique. Les vases en céramique sont décorés, ornés de motifs parfois complexes, en relief ou incisés ; leurs surfaces sont parfois lustrées dans une recherche évidente du beau. Les tissus peuvent aussi être ornés de motifs de damiers ou de triangles. Certains outils, en os ou en bois, sont surpolis ou présentent une forme originale, allant au-delà du fonctionnel. Enfin, les cheveux ou les vêtements pouvaient être ornés de perles ou d’épingles et colorés à l’aide de teintures végétales.

Art et symbolique

Les hommes et les femmes du Néolithique s’extraient symboliquement de la nature ; ils commencent à la contrôler et deviennent moins dépendants de ses aléas. Ce nouveau paradigme se traduit par le renouvellement des thématiques dans l’art. 

Si le monde animal était au centre de l’art paléolithique, les figures humaines vont croissant tout au long du Néolithique. Dans l’art néolithique du Levant espagnol, les scènes cynégétiques et guerrières (combats, pelotons d’exécution) mettent en exergue la force conquérante virile. La figure de l’archer y apparaît fortement valorisée et les figures féminines occupent une place secondaire. Les statues-menhirs de la fin du Néolithique montrent, elles aussi, des guerriers en armes ou, moins souvent, des femmes richement parées. Les gravures de haches, objet emblématique de la déforestation mais aussi arme de guerre et signe de pouvoir, sont très nombreuses. À la fin du Néolithique, le registre décoratif s’enrichit de motifs de poignards ou d’arcs qui, là encore, évoquent la puissance guerrière. 

La nature est représentée domestiquée plus souvent que sauvage. Les pétroglyphes néolithiques découverts dans les Alpes françaises et italiennes, notamment dans la vallée des Merveilles (Alpes-Maritimes), offrent de nombreuses représentations de bovins attelés à des araires. Quelques motifs quadrillés sont interprétés comme des représentations de champs ou de cartes, et pourraient figurer une première image de la propriété foncière. Les représentations d’armes sont souvent associées à des motifs « corniformes », symboles de pouvoir et de richesse. En effet, les bovins occupant un rôle très particulier dans le bestiaire néolithique. La chasse de l’aurochs revêt une puissance allégorique forte car il est le plus gros bovin sauvage. Quant aux bœufs domestiques, ils constituent la première ressource carnée de l’alimentation. De plus, la traction animale, inventée à la fin du Néolithique, symbolise le contrôle de la nature par l’Humain et la possibilité d’accroître les rendements.

Par ailleurs, bien que les figurines féminines en terre cuite du Néolithique ressemblent aux « Vénus » du Paléolithique supérieur, leur signification est peut-être différente. Si les attributs sexuels sont, dans les deux cas, mis en valeur, les statuettes des femmes néolithiques découvertes en Europe, comme celle de Villers-Carbonnel (Somme), ont souvent un aspect beaucoup plus gracile que celles du Paléolithique ou du début du Néolithique proche-oriental. Leur symbolique a plus probablement trait avec la sexualité qu’avec l’image de fécondité associée aux statuettes plus anciennes.

Traitement des morts

Sur le territoire de la France actuelle, au Néolithique, les pratiques funéraires évoluent de l’inhumation individuelle vers la sépulture collective.

Au début du Néolithique européen, les différentes façons d’enterrer les morts sont héritées des deux courants par lesquels sont arrivées les populations néolithiques : le courant danubien au nord de la France et le courant impresso-cardial au sud. Dans le sud de la France, les rares tombes découvertes à ce jour sont généralement de modestes sépultures installées dans des cavités naturelles ou à proximité des habitats. Plus nombreux, les vestiges du Nord sont marqués par plusieurs traditions distinctes qui révèlent une différenciation sociale déjà manifeste. 

À partir de 4000 avant notre ère, les vestiges sont plus abondants ; notamment dans le sud de la France où près de 400 sépultures ou dépôts de corps ont été mis au jour. Si la crémation est pratiquée, les morts sont le plus souvent inhumés individuellement ou par deux. Les défunts sont installés, dans des fosses ou des coffres en pierre, couchés sur le côté, membres fléchis, les mains généralement ramenées près du visage. Les tombes sont parfois regroupées en petites nécropoles, à peu de distance des lieux de vie. D’autres individus peuvent être déposés dans des grottes ou encore dans les premiers monuments funéraires collectifs du centre-ouest de la France. 

Les différences dans le traitement funéraire, l’architecture des tombes et la richesse des offrandes témoignent des inégalités sociales qui existaient dans ces sociétés du plein Néolithique. Des monuments funéraires remarquables destinés à seulement un ou deux individus, comme on le voit par exemple à Fleury-sur-Orne (Calvados), témoignent du statut particulier de certains défunts. À l’inverse, quelques sujets déposés seuls ou, plus souvent, à plusieurs, dans des structures d’habitat, sans soin ni mobilier d’accompagnement, donnent parfois l’impression d’avoir été jetés dans des silos abandonnés, comme dans ceux de Bergheim (Haut-Rhin). Leur statut interroge : s’agissait-il d’esclaves, de personnes socialement défavorisées ou d’individus sacrifiés ou exécutés ? Il est presque toujours impossible de le dire. 

Entre 3500 et 2500 avant notre ère, l’individualité qui prévalait au début du Néolithique est gommée au profit du regroupement des défunts dans un même espace où les ossements sont triés, rangés, empilés. Les sépultures collectives peuvent prendre plusieurs formes : grottes, dolmens ou hypogées, comme ceux fouillés récemment à Saint-Doulchard (Cher), ou encore à Saint-Memmie (Marne) dont la chambre funéraire contenait les restes bien conservés d’une cinquantaine d’individus. Une hiérarchie claire existe dans l’architecture et la richesse des monuments funéraires collectifs et, au sein de chacun, entre leurs différentes salles. Les regroupements d’individus dans un même monument n’est pas le signe d’une société plus égalitaire ; il faut probablement y voir le caractère héréditaire d’une distinction sociale qui s’élargit à toute la famille ou à tout le clan d’un défunt illustre. Des centaines d’individus pouvaient être déposés dans ces tombes qui connaissent plusieurs phases d’utilisation successive, parfois jusqu’au Campaniforme et à l’âge du Bronze. Encore aujourd’hui, ces vastes tombes collectives restent parmi les constructions funéraires les plus monumentales jamais édifiées. L’exceptionnel monument de Gavrinis (Morbihan) en est l’un des exemples les plus remarquables par la qualité de son architecture et de ses décors.

Par ailleurs, certaines inhumations découvertes dans le nord de la France semblent être, non pas des sépultures, mais des dépôts liés à des pratiques rituelles ou sociales en lien avec des événements guerriers. Il s’agit de groupes d’hommes victimes d’un massacre, de personnes amputées ou encore de lots de bras coupés. En Allemagne et en Autriche, de véritables charniers regroupent parfois plusieurs centaines d’individus. Prisonniers sacrifiés ou victimes de guerre, l’absence récurrente des jeunes femmes dans certains de ces dépôts laisse penser que leur rapt était une pratique courante. Le site d’Herxheim, dans le Palatinat allemand, est un témoin exceptionnel et sans équivalent de singulières et déconcertantes pratiques : des traces de boucherie, de morsures et de cuisson sur les ossements d’hommes, de femmes et d’enfants de tous âges attestent l’existence d’un cannibalisme de masse dont la motivation n’est pas alimentaire, mais probablement rituelle. Il y a 7 000 ans, les chairs et la moelle de près d’un millier de personnes ont ainsi été dévorées à Herxheim !

Ailleurs dans le monde

S’il est le plus ancien, le Proche-Orient n’est cependant pas l’unique berceau de naissance du Néolithique. 

Dans des zones du monde très éloignées et à différentes époques entre 10 000 et 3000 avant notre ère, d’autres civilisations inventent l’agriculture et l’élevage sans savoir que ces techniques existent ailleurs. La conjonction de plusieurs facteurs semble avoir favorisé cette émergence spontanée de la domestication d’espèces animales et végétales. Le réchauffement consécutif à la fin de la dernière glaciation facilite, dans certains terroirs, la mise en culture. La présence locale d’espèces végétales domesticables et d’espèces animales peu farouches permet les premières domestications. La volonté de quelques individus de sécuriser leurs ressources alimentaires et la curiosité humaine font le reste.

Ainsi, en Chine, le riz et le millet sont cultivés respectivement au nord et au sud du pays. Le porc, le poulet, le zébu, le chien, l’oie et le canard sont domestiqués dans cette zone entre 8000 et 5000 avant notre ère. En Nouvelle-Guinée, l’apprivoisement du porc et la production du taro, de la banane et de l’igname commencent entre 10 000 et 5000 avant notre ère.
À partir de -9000, les premiers paysans d’Amérique centrale élèvent des dindons et sèment du maïs, des courges et des haricots. Quelques millénaires plus tard, le piment, le quinoa et les pommes de terre sont cultivés dans les régions andines d’Amérique du Sud. Les animaux d’élevage y sont le lama, l’alpaga et le cochon d’Inde. Il faut attendre -4000 pour qu’un foyer néolithique émerge en Amérique du Nord : les courges, le sureau et le tournesol en sont les espèces caractéristiques. Vers -3000, l’élevage du bœuf et la culture du sorgho et du mil débutent en Afrique. 
Dans toutes ces sociétés néolithiques, la population augmente, l’organisation sociale est profondément modifiée, les inégalités se développent et le monde conceptuel et cultuel subit de profonds changements. Ces phénomènes se produisent cependant selon des dynamiques et des temporalités propres à chaque zone.

Probablement contraints par la pression démographique ou par des épisodes de péjoration climatique, certains groupes humains quittent ces premiers foyers de néolithisation pour fonder de nouveaux villages, trouver de nouvelles terres à cultiver ou de nouvelles pâtures pour leurs bêtes. La culture néolithique se diffuse ainsi de proche en proche, de façon arythmique, d’abord dans les régions voisines, puis de plus en plus loin. 

Dynamiques de peuplement

Le mode de vie néolithique n’apparaît pas spontanément en Europe occidentale. Sur le territoire de la France actuelle, il est adopté, vers 5800 avant notre ère, à la suite de l’arrivée de nouvelles populations diffusant les techniques agricoles inventées 4 000 ans plus tôt par les paysans du Proche-Orient. 

Les Néolithiques européens sont les lointains descendants et les héritiers culturels des premiers paysans apparus au Proche-Orient, dans une vaste zone incluant le Levant nord et sud, l’Anatolie et une partie de l’Iran actuels. Vers 10 000 avant notre ère, ces derniers se sédentarisent, puis domestiquent progressivement certaines espèces animales (bovins, ovins) et végétales (blés, orge, lentilles). Dans les premiers villages, à la faveur d’une meilleure alimentation et d’un mode de vie sédentaire, la population augmente. Une partie des habitants se déplacent afin d’exploiter de nouvelles terres cultivables, emportant avec elle semences et animaux et fondant de nouveaux villages. La répétition de ce processus, génération après génération, aboutit progressivement au peuplement par les agriculteurs néolithiques de l’ensemble du Bassin méditerranéen puis de l’Europe, environ 4 000 ans après le départ des premiers paysans du Proche-Orient.
La diffusion du mode de vie néolithique en Europe n’est donc pas motivée par une volonté de conquête territoriale, mais simplement par le besoin de trouver des conditions de vie favorables.

Les Néolithiques gagnent progressivement le nord et le sud du territoire correspondant à la France actuelle, au début du VIe millénaire avant notre ère, par deux routes distinctes : certaines longent les rives de la Méditerranée et, passant par l’Italie, arrivent jusqu’aux côtes provençales vers 5800 avant notre ère ; d’autres empruntent la voie du Danube, jusqu’aux rives du Rhin et apparaissent dans l’est de la France vers 5400 avant notre ère. Ces deux courants, chacun véhiculant des traditions techniques et esthétiques particulières, portent les noms d’impresso-cardial et de danubien.

Les paysans néolithiques sont plus nombreux que les chasseurs-cueilleurs nomades, appelés Mésolithiques. Les rares traces matérielles de contact entre ces deux populations semblent montrer que quelques traditions techniques et esthétiques mésolithiques ont été adoptées par la population néolithique. Les analyses ADN permettent aussi d’affirmer que les populations mésolithiques d’Europe ont été, pour partie au moins, assimilées d’un point de vue génétique aux populations néolithiques. En revanche, leur culture disparaît peu à peu et les populations nomades autochtones adoptent le mode de vie néolithique.

Les premières analyses des génomes anciens nous renseignent aussi sur la fin du Néolithique. Les données sont encore fragiles car peu d’individus néolithiques ont été analysés à ce jour, mais elles montrent qu’une partie des populations néolithiques de l’ouest de l’Europe a été remplacée, au début de la Protohistoire, par un peuple d’éleveurs cavaliers (les Yamnaya) venu de la Steppe pontique située au nord de la mer Noire. Ces arrivants ont apporté avec eux de nouvelles traditions et, probablement, de nouvelles croyances qui marquent la fin du Néolithique. À l’heure actuelle, le patrimoine génétique hérité des Yamnaya est encore très présent dans les populations européennes.

Ressources complémentaires

Une sélection de ressources audiovisuelles et multimédias pour approfondir ses connaissances sur le Néolithique.

Plus de ressources dans la médiathèque de l’Inrap